Hôpitaux.
A l’heure de la transformation énergétique des activités, qu’il s’agisse d’industries ou de tertiaire, les hôpitaux aussi réfléchissent à réduire leur impact environnemental. Les associations de dirigeants hospitaliers, cadres et experts techniques mettent en commun leurs idées afin d’accoucher de projets vertueux.
Si les directeurs hospitaliers s’inquiètent de l’impact de leurs activités de soins sur l’environnement depuis une quinzaine d’années au sein de l’association C2DS (Comité pour le Développement Durable en Santé), la prise de conscience s’est véritablement accélérée il y a trois ans. « A la sortie du Covid, l’ensemble des établissements de santé s’est rendu compte de la limite du système. Par ailleurs, les soignants sont avant tout des citoyens, la question de la sobriété les touche à la fois dans leurs vies personnelles mais également dans leurs vies professionnelles », note Véronique Molières, directrice du C2DS. « Nous ne voulons plus que le fait de soigner puisse avoir pour conséquence de développer des maladies demain. » En effet, ils sont ainsi 830 directeurs d’établissements hospitaliers à se fédérer, réfléchir et échanger leurs bonnes pratiques vis-à-vis de l’impact carbone notamment.
50 % des émissions de gaz à effet de serre dus aux achats
« Après un autodiagnostic auprès d’une centaine d’établissements, il est apparu que les principaux facteurs d’émissions de gaz à effet de serre sont dus aux achats, pour plus de 50 %, au transport et à l’énergie », précise Véronique Molières. « Les achats sont la clé de voûte d’un développement durable de nos établissements de santé. La politique qui doit être mise en place dans ce domaine vise à maîtriser et responsabiliser les achats. Notamment en sélectionnant des produits avec une meilleure empreinte carbone ou en influant sur les fournisseurs pour qu’ils améliorent leur impact. » Cela passe notamment par la question de l’emballage et la gestion des cartons, mais aussi par un achat en circuit court quand c’est possible.
Développer le transport zéro carbone et optimiser la gestion des déchets
D’autres solutions sont également à l’étude en matière de transport. « Les établissements sont sensibilisés à la création de parkings à vélo, à la promotion de la mobilité verte par la négociation d’arrêts de bus ou de tramway à proximité, au covoiturage de patients pour ceux qui ont un rendez-vous régulier à l’hôpital comme les dialysés », poursuit la directrice du C2DS. La gestion des déchets est également au cœur des réflexions. Il s’agit de réduire le gaspillage alimentaire et les déchets à risques infectieux (DASRI) notamment. « Parfois, un professionnel de santé jette dans le bac dédié aux DASRI des emballages qui n’ont rien à y faire, par solution de facilité. Pour éviter cela, il faut mieux organiser les processus et faire preuve de pédagogie », observe Véronique Molières.
Un meilleur usage des énergies
En matière d’énergie, de grandes thématiques sont abordées au sein du C2DS : détection de présence, production de chaud et de froid grâce à une chaudière à bois, photovoltaïque, gestion de l’eau… « Il est possible d’équiper les robinets de mousseurs qui réduisent le flux d’eau sans altérer le niveau de pression », précise Véronique Molières. « Par ailleurs, nous travaillons à la réutilisation des eaux grises dans les espaces verts notamment ou dans les WC. Il est aberrant d’avoir de l’eau potable dans les toilettes ! » Ces réflexions sur l’usage des énergies et de l’eau amènent les établissements hospitaliers à repenser la construction ou la rénovation de leurs bâtiments. « Nous sommes devenus plus exigeants quant à la qualité des matériaux, l’isolation avec la volonté d’aller au-delà de la réglementation énergétique en vigueur », poursuit-elle. « Notre fil rouge, c’est la santé environnementale, aussi nous travaillons à la qualité de l’air intérieur avec un meilleur système de ventilation et l’usage de peintures sans COV. » Perturbateurs endocriniens, nanoparticules, champs électromagnétiques… Tout est passé en revue pour limiter les effets sur les patients et les personnels soignants. « Certains patients sont sensibles aux champs électromagnétiques. Ils viennent pour se faire soigner mais sont encore plus malades à cause de l’utilisation de nos appareils. Il faut imaginer des zones blanches dédiées à ce type de patients », constate Véronique Molières.
Force de proposition auprès des institutionnels
L’association des cadres et experts techniques hospitaliers, H360, présidée par Valéry Lefebvre, chef du service technique du CHU Bicêtre de l’AP-HP, réunit elle aussi 150 membres autour des questions de transformation énergétique. Plusieurs journées techniques ont lieu en région afin d’échanger sur les pratiques. « L’hôpital est souvent le premier employeur de la ville, la sensibilité environnementale est donc une priorité ! », commente Valéry Lefebvre. « Aussi, notre approche est multiple et concerne de nombreux domaines : économie d’énergie, développement durable, eau ». Objectif ? Créer un double impact, à la fois financier et écologique, sur la gestion des établissements hospitaliers. « Nous travaillons ainsi à la réduction de certains gaz médicaux, à la diminution de l’usage de l’eau, à l’optimisation des énergies. Il s’agit alors de mieux piloter les établissements pour s’intéresser aux multiples sujets. » Au programme des mesures : réduire l’usage des bouteilles en plastique, mettre la température en adéquation avec le besoin du patient, réduire la consommation énergétique des blocs opératoires non utilisés mais leur permettre de redémarrer dans l’urgence si nécessaire…