Établissements de santé
La nécessaire transition est en marche
Hôpitaux, EHPAD, établissements de santé mentale et centres médico-sociaux émettent 8 % des gaz à effet de serre au niveau hexagonal. Une estimation rendue publique par le Shift Project et le rapport Décarboner la Santé. Ainsi, dans le domaine de la santé, l’enjeu est de taille pour améliorer l’impact environnemental. Quel intérêt de se soigner si en parallèle, les soins génèrent toutes ces dépenses d’énergies et de déchets nocifs pour la santé ? C’est pour tendre vers de meilleures pratiques que la Fédération Hospitalière de France (FHF), qui regroupe 20 fédérations régionales d’établissements publics de santé, soutient les démarches de transition écologiques et énergétiques.
Il existe une réelle dissonance cognitive entre la volonté de soigner des patients, de différer l’obsolescence programmée de l’être humain et l’impact d’un établissement pour y parvenir
Les chiffres ont de quoi faire tourner de l’œil. En 2010, on estimait à 700 000 tonnes le volume de déchets produits chaque année par les hôpitaux publics et privés. En 2021, l’Ademe estimait la consommation d’eau par lit occupé entre 400 et 1200 litres par jour. A cela s’ajoute un budget de 29 Mrd€ dédiés aux achats dans l’hôpital public chaque année, et 1,5 milliard de repas distribués par an dans les établissements de santé. C’est sans compter les 1 000, 2 000 ou 7 000 agents qui, quotidiennement, se déplacent au sein des différents établissements d’un pôle de santé ou se rendent en consultation, générant un grand nombre de kilomètres. « Les enjeux de développement durables sont à tous les niveaux », reconnaît Rudy Chouvel, directeur d’hôpital et référent transition écologique à la FHF. « La santé pollue. Par exemple, le volume de déchets issu des blocs opératoires et des activités de soins est important. On y trouve notamment des déchets à risques infectieux, des déchets dangereux et toxiques dans les poches de chimiothérapie… Il existe une réelle dissonance cognitive entre la volonté de soigner des patients, de différer l’obsolescence programmée de l’être humain et l’impact d’un établissement pour y parvenir ».
Le processus de transition écologique s’accélère
Pour autant, de nombreux établissements ont pris le sujet au sérieux, depuis une quinzaine d’années, et ont accéléré leurs processus de transition. La réflexion porte ainsi sur les usages uniques de certains équipements ou des contenants alimentaires, les mobilités, la politique d’achat, la gestion des énergies, le nettoyage, la biodiversité… Des essais sont réalisés afin de réduire l’utilisation de dispositifs à usage unique. Des hôpitaux ont mis en place le bionettoyage des chambres : sans utilisation de produits chimiques, avec de la microfibre, de la vapeur et parfois des UV. D’autres repensent leurs espaces extérieurs en améliorant la biodiversité, par le biais de vergers ou de promenades arborées. « D’autant que la nature aide à la guérison », souligne Rudy Chouvel. Enfin, certains hôpitaux ont mis en place de nouvelles procédures dans les blocs opératoires pour réduire leur impact environnemental (lire encadré ci-contre).
La nécessité de réponse aux obligations réglementaires
Malgré tout, les hôpitaux tentent de répondre aux obligations réglementaires sans que cela ne soit impactant financièrement. « En effet, les hôpitaux doivent répondre à des obligations réglementaires, par exemple, pour la restauration, en matière de vaisselle à usage unique mais aussi dans le domaine des achats de denrées alimentaires. Actuellement, 50% des produits achetés doivent être labellisés, dont 20% d’origine biologique, et bientôt, 100 % de la viande et du poisson devra être sous label. Ces obligations impliquent des surcoûts que les hôpitaux ont rarement les moyens de répercuter », constate Rudy Chouvel. La réponse aux obligations réglementaires est-elle pertinente dans un établissement de santé ? La question reste en suspens.
Financer les investissements liés à la transition
D’autant que, pour aller plus loin, la DGOS et la CNSA, en lien avec l’ANAP, financent 150 postes de conseillers en transition écologique et énergétique en santé sur le territoire. Des postes financés de façon dégressive sur trois ans par le ministère de la Santé, mais qui ne suffisent pas à couvrir l’ensemble des besoins au sein des établissements. « Nous avons besoin de moyens humains et financiers pour accélérer notre transition énergétique. Ces questions prennent du temps. Mais recruter un chargé de mission sur le développement durable, s’il coûte au départ, permet aussi de faire des économies à terme et d’impulser une dynamique », insiste Rudy Chouvel.