Bâtiments Bas Carbone, les défis du siècle

La revue des énergies renouvelables et des solutions alternatives.

La pérennité des entreprises dépend de leurs engagements à se transformer et à construire le bâtiment bas carbone

Dans un environnement économique et politique particulièrement chahuté et instable, les entreprises du bâtiment doivent plus que jamais poursuivre leurs efforts pour répondre aux enjeux et aux défis de demain. Tendre vers le bâtiment bas carbone, en construction ou en rénovation, est une voie indispensable afin de lutter contre les émissions de gaz à effet de serre et au dérèglement climatique. Aussi, les réseaux et groupements d’entreprises continuent d’œuvrer de concert pour donner des clés de réflexion et des pistes d’actions aux acteurs du bâtiments. Alliance HQE-GBC, BBCA et le Salon de l’Immobilier Bas Carbone, SIBCA, sont en première ligne. 101,3 milliards d’euros ont été réalisés en 2023 dans le domaine de l’amélioration, de l’adaptation ou de la rénovation des bâtiments, résidentiels et non résidentiels, selon une étude Quint révélée en mai dernier. Pour autant, il restait en 2023 encore plus de 18 % de passoires énergétiques dans le parc locatif privé, et près de 16 % dans l’ensemble des résidences principales. Sans les qualifier aussi sévèrement, certains bâtiments nécessitent une rénovation thermique et énergétique pour réduire leur consommation d’énergie et tendre vers un usage le plus efficient et neutre en carbone.

Développer les connaissances de la décarbonation

L’association BBCA se donne pour mission d’aider à décarboner l’ensemble du parc immobilier à l’échelle hexagonale. Responsable de près de 40 % des émissions de gaz à effet de serre, le bâtiment est en effet un grand consommateur de CO2 : construction, matériaux, exploitation et usages, rénovation, équipements, fin de vie… Tout est générateur de CO2. Pour autant, depuis 2016, l’association développe la connaissance des bonnes pratiques liées à la décarbonation des opérations immobilières. « Nous avons une approche de la performance, nous visons un cap maximum à ne pas dépasser », intervient Hélène Genin, déléguée générale. La méthodologie BBCA, écrite et partagée, invite les entreprises à se challenger afin de concevoir, construire, équiper, exploiter et rénover des bâtiments les plus faibles en émissions de CO2. D’ores et déjà plus de 4,3 millions de m2 de bâtiments sont engagés ou labellisés BBCA en France.

 Quatre nouveaux labels qui couvrent l’ensemble du périmètre bâti

En 2024, l’actualité reste forte. Quatre labels ont vu le jour afin de mettre en lumière les acteurs engagés dans la démarche : Quartier Bas Carbone, Exploitation Bas Carbone, Hôtels Bas Carbone, et le label européen LCBI. « Il s’agit de couvrir l’ensemble du spectre dédié au bâtiment, depuis le neuf, la rénovation et l’exploitation », indique Hélène Genin. « Tout ce qui fabrique la ville et les territoires. Depuis les bureaux, les logements, les hôtels, que ce soit en neuf ou en rénovation ». A l’échelle de l’Europe, LCBI s’appuie sur une méthode assortie de seuils de performances, qui permet la certification des bâtiments dans huit pays : Allemagne, Belgique, Espagne, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, et Royaume-Uni. Audité et certifié par des organismes indépendants, l’ensemble de ces labels prouvent les efforts réalisés par les maîtres d’œuvres et maîtres d’ouvrages, valorisent leurs patrimoines immobiliers et leurs engagements en faveur de l’environnement. « Nos méthodes de mesures de l’empreinte carbone sont accessibles à tous. Notre feuille de route est écrite, publique et pionnière », précise la déléguée générale de BBCA. « La RE 2020 nous a bien aidé à faire valoir la nécessité de diminuer les émissions de CO2 dans la filière bâtiment. Mais, nos exigences vont bien au-delà, notamment en matière de bâtiment neuf, et se rapprochent du palier le plus avancé de la RE 2028. » De quoi lancer de nouveaux défis à l’ensemble des aménageurs, concepteurs, constructeurs et exploitants.

Cap 2030 : un cadre de référence commun préfigurant les futures réglementations

Aller au-delà de la RE 2020, c’est également la mission que s’est donnée l’Alliance HQE-GBC avec leprojet Cap 2030. Association (elle aussi) reconnue d’utilité publique réunissant l’ensemble des acteurs de la chaîne de valeur de la construction et de l’aménagement durable, l’Alliance HQE-GBC s’engage sur la qualité de vie, le respect de l’environnement, la performance économique et le management responsable au travers d’une approche multicritère. L’Alliance HQE-GBC est à l’origine de cadres de référence pour le bâtiment et l’aménagement durables qui servent de base aux référentiels des certifications Haute Qualité Environnementale. Celles-ci représentent 125 millions de m2 en France et à l’international, dans le résidentiel (délivrées par Cerqual) et le tertiaire (délivrées par Certivea). L’Alliance HQE-GBC est partie prenante d’un GIE (Groupement d’Intérêt Ecologique) comprenant le Collectif Effinergie et le Collectif des démarches Quartiers Bâtiments Durables, qui porte le projet CAP 2030, avec le soutien technique et scientifique du CSTB, le soutien du Plan Bâtiment Durable et le soutien financier de l’Ademe et de l’État. L’objectif de ce projet est de créer un cadre commun de référence comprenant neuf thématiques qui préfigure le futur cadre environnemental et réglementaire. « En complément des critères énergie et carbone inclus dans la RE2020, ces thématiques portent sur la gestion durable de l’eau, la biodiversité, l’adaptation au changement climatique, l’économie circulaire, la mesure de la performance et le low-tech », indique Rachel Chermain, directrice de l’Alliance HQE GBC. Des groupes de travail se réunissent depuis octobre 2023 pour définir un ensemble d’indicateurs qui seront agrégés afin de permettre l’élaboration d’un cadre commun de référence. « Si on prend l’exemple du GT Adaptation au changement climatique, celui-ci propose dans la première phase des travaux une grille d’analyse des risques liés aux aléas climatiques comme les vagues de chaleur, les vagues de froid, les fortes pluies ou encore la sécheresse qui sera ensuite intégrée dans le cadre commun de référence selon une approche environnementale multicritère », précise-t-elle. Plus de 1 000 acteurs de la filière bâtiment se sont portés volontaires pour participer à ce projet.

Anticiper les réglementations

« Pour l’ensemble des professionnels, Cap 2030 va permettre d’anticiper les futures réglementations et de s’emparer des enjeux », complète Rachel Chermain. Les pouvoirs publics pourront également s’inspirer de ce cadre afin de mettre en place leurs prochaines réglementations. Si la RE 2020 a été accouchée dans la douleur et reportée deux fois avant sa mise en application au 1er janvier 2022, aucun professionnel de la filière bâtiment ne reviendrait aujourd’hui en arrière. « La RE 2020 a permis aux industriels d’accélérer leurs processus de R&D pour innover sur le sourcing des matériaux et la conception de leurs produits : ils se sont adaptés à cette réglementation », souligne la directrice d’Alliance HQE GBC. « Avec Cap 2030, nous nous intéressons à la construction neuve en faisant en sorte de prendre le temps de la co-construction et de l’expérimentation ». Une version Bêta test sera publiée fin 2024, lançant les premières expérimentations en 2025 avant d’aboutir à une V1 d’ici fin 2025. La rénovation, enjeu numéro un de la construction, devrait intégrer le projet dans les années à venir. « En 2050, plus de 80 % des bâtiments existants seront déjà construits ou auront été construits dans les prochaines années », observe Rachel Chermain pointant du doigt la hauteur des enjeux.

Échanger et partager autour des bonnes pratiques

Des enjeux qui se retrouvent au cœur du programme du SIBCA cet automne, Salon de l’Immobilier Bas Carbone. « Dès 2022, nous avons souhaité nous adresser aux acteurs engagés de toute la chaîne de construction », explique Férielle Deriche, directrice du salon. « Les territoires sont mis en lumière avec le premier prix du Label Quartier Bas Carbone, les promoteurs, constructeurs, architectes et industriels démontrent leurs initiatives en matière de développement de bâtiments bas carbone ». De nouvelles solutions qui arrivent aussi de Finlande, du Canada et du Portugal, pour être normées et déployées en France, seront présentées. « Notre vocation est d’aider les acteurs du bâtiment à saisir les nouvelles opportunités et de s’inscrire dans la rénovation bas carbone », précise-t-elle. Les propriétaires d’actifs immobiliers, qu’il s’agisse de bureaux, de logements ou de commerces, sont amenés à transformer leurs parcs, à les repenser pour intégrer la notion de performance énergétique et de réduction de l’empreinte carbone. Pour les accompagner, des conférences et des échanges avec des spécialistes de la réglementation par le biais de la commission européenne, sont proposés. « Nous ne savons pas comment la réglementation va évoluer dans ce contexte politique instable. Mais une chose est sûre, nous espérons que les engagements pris ne seront pas revus. La feuille de route des acteurs est déjà en place, ils s’y adaptent, on ne peut pas remettre tout à plat maintenant », assure la directrice du SIBCA. Ces acteurs bénéficient de synergies au cœur du salon, qui sert ainsi de passerelle entre eux. « La pérennité des entreprises dépend totalement de leurs engagements. Leur transformation est indispensable pour continuer de rester dans la course à la construction et la rénovation », souligne Férielle Deriche.