AB Solar, Quand le sous-sol permet de stocker une énergie 100 % décarbonée
A Cadaujac (33) un lotissement desservi par une « batterie souterraine » couplée à une centrale solaire
Hervé Lautrette,
PDG
AbSOLAR
Les habitants ne versent que 200 euros par an pour le chauffage et l’eau chaude.
Géothermicien depuis une quinzaine d’années Hervé Lautrette, PDG d’AbSOLAR, en est venu à cibler le potentiel du sous-sol pour stocker une énergie décarbonée, issue de productions intermittentes comme le solaire thermique ou la chaleur fatale. Dans le cadre d’un démonstrateur, opérationnel à Cadaujac (Gironde) depuis juin 2022, cette technologie permet de chauffer et d’alimenter en eau chaude sanitaire un écoquartier de 67 logements.
Vous avez développé un démonstrateur autour du concept de C2SES, ou Centrale Solaire sur Stockage d’Energie Souterrain. Quel en est le principe ?
Nous nous appuyons sur la capacité thermique du sous-sol et sur un réseau de sondes géothermiques pour assurer le stockage de la production d’énergie excédentaire d’une centrale solaire. A Cadaujac, 940 m² de capteurs alimentent une station technique – dotée d’une pompe à chaleur haute température et d’un ballon de stockage court-terme –, ainsi que 60 forages à 32 m de profondeur et espacés de 2,50 m. Ces derniers accueillent des sondes géothermiques en circuit fermé qui forment une batterie souterraine cylindrique de 10 000 m3. En hiver, la pompe à chaleur haute température complète l’installation pour couvrir la totalité des besoins de chauffage et d’eau chaude sanitaire, via un réseau de chaleur de 1 600 m fonctionnant avec un régime de 55°C. La température de l’eau extraite du stockage permet à la pompe à chaleur de fonctionner avec un COP de 7. L’énergie fournie au lotissement est renouvelable à plus de 90 %, les 10 % restants correspondant à l’électricité nécessaire au fonctionnement de la pompe à chaleur. Pour l’heure, cette dernière produit 62 % de l’énergie fournie, la centrale solaire en assurant 38 %. Cette répartition a vocation à évoluer, puisque la batterie souterraine est « en charge », une étape qui devrait durer deux ans.
Qu’en est-il des coûts d’installation et de fonctionnement ?
Le Capex représente 2 millions d’euros, foncier inclus. Reposant sur une low-tech, l’Opex est très faible : les habitants ne versent qu’un forfait annuel de 200 euros pour le chauffage et l’eau chaude. Et si le démonstrateur a permis d’éprouver la faisabilité technique et l’efficacité énergétique du concept, précisons que cette première installation, produisant 400 MWh/an, est le plus petit projet envisageable. En effet, le stockage souterrain prend tout son sens au-delà d’1 GWh : la batterie est d’autant plus efficace que son volume est grand. Avec 10 000 m3, le rendement entre chaleurs injectée et extraite est de 40 %. Or, ce ratio peut aller à plus de 50 % avec des batteries plus volumineuses. Au-delà du démonstrateur, qui est en cours de labellisation par Avenia – le seul pôle de compétitivité des industries du sous-sol de France –, le stockage d’énergie souterrain ouvre de belles perspectives pour décarboner l’industrie.
Comment cela ?
Grâce au stockage de la chaleur fatale qui représente, chaque année, une perte de 140 TWh en France, soit 40 % de la capacité du parc nucléaire national. A eux seuls, les incinérateurs en produisent plus de 4 ,3 TWh par an. Et qu’il s’agisse d’énergies intermittentes de récupération (chaleur fatale) ou renouvelables (solaire thermique), les applications du stockage d’énergie souterrain ne se limitent pas à la production de chaleur. Couplées à des briques technologiques – Pompe à chaleur haute température, machine frigorifique ou à sorption, ORC, capteurs sous vide ou cylindro-paraboliques…. –, les batteries souterraines peuvent également assurer la production d’eau glacée positive ou négative, mais aussi de l’eau chaude à 90°C pour la rénovation des Bâtiments, ou encore de l’eau surchauffée jusqu’à 120°C pour l’Industrie, le tout en forant à faible profondeur (<200m). Dans certains cas, l’application de la technologie permet aussi de générer de l’électricité. Concernant cette dernière, les possibilités offertes sont comparables à la Géothermie profonde ou dite de haute énergie (forages> 4 000m de profondeur). Pour nous affranchir de ces profondeurs, nous conditionnons le sous-sol pour constituer notre propre gradient géothermique dans un substrat géologique choisi. On le voit : les possibilités du stockage d’énergie souterrain sont infinies.